«Knock» («El doctor de la felicidad ») de Lorraine Lévy et « Corporate » de Nicolas Silhol |
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"Knock" ("El doctor de la felicidad ") de Lorraine Lévy et " Corporate " de Nicolas Silhol Réalisation & scénario: Lorraine Lévy Acteurs: Omar Sy, Alex Luth, Anna Girardot, Audrey Dana Genre : comédie drame Nationalité: 2017, France Ce " Knock " (" El doctor de la felicidad ") de Lorraine Lévy (" El hijo del otro ") est la quatrième adaptation de la célèbre pièce de Jules Romains. "Knock ou le triomphe de la médecine" (1922) au cinéma après les films de René Hervil (en 1925) avec Fernand Fabre dans le rôle-titre, et ceux de Roger Goupillières (en 1933) et de Guy Lefranc (en 1951), tous deux avec le mythique Louis Jouvet dans la peau du Docteur Knock. Dans cette nouvelle version, Knock, un ex-filou repenti, reconverti à l´exercice illégale de la médecine, arrive dans le petit village de Saint-Maurice pour appliquer une "méthode" destinée à faire sa fortune : il va convaincre la population que tout bien portant est un malade qui s'ignore. Et pour cela, trouver à chacun la maladie réelle ou imaginaire dont il souffre. Passé maitre dans l'art de la séduction et de la manipulation, Knock est sur le point de parvenir à ses fins. Mais il est rattrapé par deux choses qu'il n'avait pas prévues : les sentiments du coeur et un sombre individu issu de son passé venu le faire chanter. Cependant, le docteur Knock du film est assez différent du personnage détestable de la pièce originale et des autres versions cinématographiques précédentes où ilest cruel, mégalomane et sans pitié. Ici, Knock, joué par Omar Sy est beaucoup plus humain, plus sympathique et empathique. Si Omar Sy cherche, au début, à " rouler " les habitants du petit village de Saint-Maurice, peu à peu, il va s´humaniser à travers l´amour et la confraternité. C´est un personnage qui a besoin de s´affirmer dans la société, il cherche une certaine revanche mais quand il devient le roi de ce petit royaume, grâce à sa " médecine ", à sa manipulation et, pourquoi pas, aussi, à la niaiserie et à l´avidité des autres, il va le faire avec une certaine tendresse et sans trop de méchanceté. Voici une des différences fondamentales entre le texte original et la version de Lorraine Lévy. La réalisatrice a tourné un film joyeux, ludique avec un héros plus humain, là où il y avait une satire plus caustique, plus dure. Autre différence : elle situe l'histoire de son long métrage dans les années 1950, pour s'éloigner des années 1920. Mais, si d´une part, ce " Knock " est un film amusant, attachant, émouvant, il sombre, un peu, dans " l´eau de rose ", perdant la force et le sens dont Jules Romains avait imprégné son œuvre. Le film est trop gentil, se focalisant, par moments, dans la fable ou la satire sociale, mais en frôlant, à peine, l´aspect corrosif et poignant du " Knock " de Romains, essentiel pour bien saisir la philosophie de cette histoire. Il est vrai qu´il s´agit d´une comédie classique, fraîche, avec une belle photographie et bien interprétée dans l´ensemble mais le personnage de Knock reste un peu superficiel. S´il transmet de l´humanité et si son puissant physique rayonne partout, son interprétation est un peu lisse. Omar Sy se montre attachant. Il récite même, très correctement son texte, comme quand il dit la célèbre phrase " Ça vous chatouille ou ça vous grattouille ?" mais, globalement, il manque de profondeur, certainement à cause de l´orientation donnée au scénario. Les interprétations d´Audrey Dana, Anna Girardot et Alex Lutz sont, par exemple, nettement meilleures. " Knock " reste un film familial gentil et drôle que beaucoup vont aimer. Même, si pour arriver à ce point, la réalisatrice a dû perdre, en chemin, une grande partie de l´émotion, de la gravité et de la critique sociale de Jules Romains. Sortie, en V.O.S.E, à Madrid, le 25 mai
" Corporate " de Nicolas Silhol Réalisation: Nicolas Silhol Scénario: Nicolas Silhol, Nicolas Fleureau Acteurs: Céline Sallette, Lambert Wilson, Stéphane de Groodt, Violaine Fumeau Genre : drame- thriller Nationalité: 2017, France Emilie Tesson-Hansen est une jeune et brillante responsable des Ressources Humaines, une " killeuse ", prêt à tout. Suite au suicide d´un des employés dans son entreprise, une enquête est ouverte. Emilie se retrouve en première ligne. Elle doit faire face à la pression de l'inspectrice du travail, mais aussi à sa hiérarchie qui menace de se retourner contre elle. Jusqu'où restera-t-elle corporate, c´est-à-dire dévouée corps et âme à son entreprise? En partant de cette inquiétante histoire, Nicolas Silhol tourne son premier film et il le fait avec succès. Dans la veine de films sociaux comme " La loi du marché ", ce drame radiographie l´âpre réalité des rapports humains en entreprise et le " management par la terreur " qui ne poursuit que la destruction des individus, d´une façon cynique et impitoyable, en les poussant même au suicide, comme c´est le cas de " Corporate". Sihol situe son histoire, principalement, entre les murs d´une entreprise où les bureaux sont claustrophobiques, sans couleurs, froids, comme l´ambiance qu´on y respire. Les seuls moments d´évasions apparaissent quand la caméra sort de là, pour rencontrer quelques minutes d´épanouissement dans la maison d´Emilie ou en plein air. Sinon, l´atmosphère de pression est montrée d´une façon très intelligente à travers les silences, les regards en coin, l´hypocrisie des uns et des autres pour sauver leur poste. Le film fait un portrait parfait du monde du travail, sur les intérêts du profit, la froideur des chiffres, les manipulations des ressources humaines. Il se regarde comme un thriller. Le réalisateur réussi à ne jamais relâcher l´intérêt du spectateur. Cette histoire terrifiante de harcèlement décrit, avec une exactitude parfaite, les stratégies froides, cyniques et honteuses qu´utilise la gestion des ressources humaines dans l´entreprise. Même si on voit une fiction, on reconnaît parfaitement la réalité. Cette "désintégration" programmée d'un être humain, et toujours sans qu'un mot d'ordre "d'en haut" ne soit donné, est le sujet même du film. La perversité des patrons pour pousser les employés à la démission, en utilisant des " armes " comme la mobilité, est très bien mise en évidence. C´est au point qu´on se demande si ça peut être vrai. Malheureusement, la réponse est " oui ". L´interprétation de Céline Sallette est excellente. Elle incarne une femme froide sans émotions qui, cependant, fait un parcours libérateur, vers la sensibilité, l´éthique et l´honnêteté. Quant à Lambert Wilson, un ignoble directeur des DRH, dont la seule préoccupation est de refuser toute responsabilité, il est également parfait dans le rôle. " Corporate " est une descente aux enfers, dans le monde deshumanisé de la grande entreprise, où seul compte le profit et pas les personnes. Bravo à Nicolas Silhol qui a réussi à dénoncer brillamment, dans son premier film, ce monde impitoyable à travers un thriller réaliste qui fait plus peur que n´importe quel film de terreur typique. Sortie en V.O.S.E, à Madrid, le 25 mai Carmen Pineda
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