La cámara oscura
Argentine, France, 2008
Réalisation: María Victoria Menis
Scénario: María Victoria Menis et Alejandro Fernández Murray
Durée: 1h 25min.
Sortie en salle: 29 juillet 2009
Note Cinecritic
Un jour de 1930 le cinéaste amateur Gérard Fleury a quitté sa maison des banlieues de Le Thuit à la recherche de la lumière parfaite. Et personne ne l'a plus jamais revu, il a simplement disparu. À travers des films fait maison que Fleury a laissé derrière lui, José Luis Guerín a construit en 1997 Tren de sombras, le diamant le plus nostalgique d'une filmographie faite de pierres précieuses. Cette expérience affectée de Guerín consistait à manipuler le faux métrage d'un amateur de cinéma qui n'a jamais existé, pour que du nouveau montage surgisse l'exactitude d'une improbable romance entre certains des personnages photographiés dans les jardins de sa maison de campagne. Il existe une étrange filiation entre ce film de Guerín et le dernier film de María Victoria Menis.
À simple vue, le film se laisse décrire comme un portrait d'époque, des clichés variés d'une famille appartenant à la première grande immigration au Río de la Plata. En effet, une grande partie de La cámara oscura consiste en le racconto de la vie de Gertrudis (Mirta Bogdasarian), paria dans son pays et parmi les siens, pour être née femme et sur la passerelle du bateau qui a amené sa famille depuis l'Europe. Gertrudis vit et grandit dans une colonie juive de la province d'Entre Ríos, au début du XXème siècle. Là, aidée par une mère distante, un père pusillanime et un mariage arrangé, Gertrudis apprend à être laide. Cette condition résulte assez fonctionnelle dans la vie de réclusion et de travaux domestiques que la tradition lui a préparée. Gertrudis exécute avec responsabilité le mandat, elle élève beaucoup d'enfants en cultivant à la fois son monde intérieur, qui se montre scrupuleusement dans les fleurs de son jardin et les plats avec lesquels elle nourrit sa famille. Gertrudis est seule. Mais c'est certain que le film en aucun moment se propose d´aborder les implications sociales qui lient ses personnages; éludant le drame pour s'atteler aux détails. Tout semble organiser l'imminente arrivée de Jean Baptiste (Patrick Dell'Isola), un photographe français avec des prétentions surréalistes que le mari de Gertrudis engage pour faire le portrait de la famille. Justement un professionnel du regard, qui va commencer à se rendre compte de ces détails que le film est en train de construire avec tant de patience. C'est ainsi que la photographie soignée, les costumes précis, les lieux de tournage impeccablement choisis, tout le décor du film (exceptionnellement élégant), acquièrent un nouveau sens. Tout comme dans Tren de sombras, le film de Menis invente tout un passé, jusqu'au dernier détail, avec le seul but de se poser des questions sur la lumière qui l'éclaire. "Pas tout est ce qu´il "semble" être ", dit Jean Baptiste quand il doit expliquer son travail à l'un des enfants de Gertrudis. Photographier, comme filmer, est une façon de révéler des secrets et en générer d'autres. Les films sporadiques de María Victoria Menis imposent leur personnalité sur le panorama du cinéma argentin, si enclin à accumuler des discours et des textures. De la même manière que Los espíritus patrióticos (1989), son premier long-métrage, donnait un nouveau sens à la forme avec laquelle dans les années '80 était fait le portrait du passé historique national, La cámara oscura se trouve en dehors de la carte du cinéma argentin actuel, toujours réticent de faire de la reconstruction historique et un peu paresseux quand il s´agit de réfléchir sur son propre dispositif. Le nouveau film de Menis n'est pas ce qu'il semble; affirmée sur l'aspect d'un drame de mœurs, plus ou moins ethnique, l'histoire se projette comme une signification de et une délicieuse annotation sur la photogénie, cette couche de réalité à laquelle on accède en arrêtant la vie juste un instant, pour l'apprécier sous la lumière qui l'éclaire, et pour ensuite la faire marcher à nouveau sous la forme d'un art nouveau et étonnant. Parmi tant de lectures possibles, on pourrait penser que, dans mains comme il est, d'une cinéaste femme, La cámara oscura pourrait bien être en train de répondre à la célèbre fin de Sur la route de Madison, dans laquelle Francesca Johnson (Meryl Streep) n'a pas osé ouvrir la portière de la camionnette de son mari, jeter par dessus-bord un mariage consommé, et prolonger l'aventure de sa vie près de Robert Kincaid, cet autre photographe, l'éternellement photogénique Clint Eastwood. Dans tous les cas, La cámara oscura est une petite symphonie de couleurs et reliefs, sur le sujet de tout ce que le cinéma a encore à découvrir parmi les choses certaines qui habitent le monde. Adrián Pérez Llahí |
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