Septembre - Octobre 2021
La nana
Chili, 2009
Réalisation: Sebastián Silva
Scénario: Sebastián Silva et Pedro Peirano
Acteurs: Catalina Saavedra, Claudia Celedón, Mariana Loyola.
Durée: 1h 35min
Date de sortie en France : 7 octobre 2009
Note Cinecritic
Ayant sortie son premier en 2007, La vida me mata, le réalisateur chilien Sebastián Silva a présenté cette année son dernier film, La nana. Participant et lauréat à différents festivals du monde, parmi eux Sundance, le Festival Paris Cinéma et le BAFICI, où le film a eu sa première latino-américaine, La nana a ouvert le 31 août la semaine du cinéma chilien à Buenos Aires.
Le film propose un abordage tragi-comique de la vie de Raquel, une bonne, c'est à dire, employée domestique avec fonction de nounou, et ayant des problèmes sérieux de se lier socialement, qui se relâchera petit à petit jusqu'à réussir à laisser de côté son scepticisme et son amertume face à la vie. Ainsi, La nana est un film construit dès le début sur deux univers clairement différenciés: celui de Raquel et celui de tous les autres. L´employée domestique protagoniste fait face au monde avec un bouclier protecteur, c'est une espèce d'être enfermé en soi même, en face de qui tout le reste devient " autrui ". Ces mondes profondément divisés sont principalement des espaces faits à base des sons: le film ouvre avec l'image de Raquel mangeant seule dans la cuisine, avec une expression d'inappétence, pendant qu'on entend derrière la porte les sons de la table familiale. Dans la salle à manger la vie de la famille se déroule, pleine de voix, de rires, de bagarres des enfants. Par contre Raquel mange en silence et répond avec des monosyllabes à chaque question qu'on lui pose. La famille lui chante joyeux anniversaire avec enthousiasme et l'invite à gouter une portion de gâteau, mais Raquel fait l'impossible pour éviter la petite célébration et les félicitations qu´on lui fait, elle laisse ses sans ouvrir cadeaux et continue avec son travail domestique. Toute sa routine quotidienne est faite en grande partie de sons: le réveil chaque matin, le bruit de l'eau dans la douche, l'aspirateur -dont elle utilise le bruit pour feindre qu'elle ne peut pas entendre les différentes demandes que lui font des personnages divers tout au long du film-, ou le poste de télévision -avec une fonction évasive identique, quand Raquel veut éviter la maîtresse de maison en montant le son pour ne pas l'écouter. Mais même quand elle réussira à commencer de sortir de la grise monotonie de tous les jours, le son sera le protagoniste. À la fin du film Raquel sort pour faire des courses, et le changement d'air viendra accompagné d'une musique intense qui déborde de ses auriculaires pour faire que les spectateurs puissent aussi l'entendre. Les univers de La nana attirent l'attention par l'inversion de rôles qu'ils impliquent: dans le film il n'y a pas une employée soumise aux caprices de sa maîtresse, mais plutôt le contraire: une maîtresse qui ressent de l'affection pour Raquel grâce aux années qu'elle travaille chez elle et qui refuse de la renvoyer malgré ses attitudes, et cette bonne de caractère bizarre avec une manque d'ouverture envers les autres qui l´entraine dans un état de mauvaise humeur permanente et vers la maltraitance de ceux qui l'entourent. Prendre des cachets ne résout pas le problème, puisque Raquel les consomme en quantité et malgré ça ne sort pas de son cercle vicieux. Les relations de pouvoir inversées montrent une bonne autoritaire qui semble être celle qui a vraiment les rênes de la maison. La famille, abasourdie, fera des tentatives de communiquer avec elle pour obtenir un peu de paix dans la cohabitation quotidienne. Le titre du film, qui réfère à une question de classe sociale, ne semble pas de cette façon être au cœur du film, puisque celui-ci semble être plus centré sur les relations humaines que sur celles de classe. Raquel est un personnage qui pourrait avoir une autre occupation quelconque, ce qui la distingue de son environnement est le court-circuit qu'elle maintient avec lui, beaucoup plus que sa condition d'employée domestique comme représentante de sa place dans l'échelle sociale. Il y a deux employées domestiques " de renfort " que Raquel réussira à faire renoncer à leur travail à cause de ses mauvais traitements, jusqu'au moment que Lucy arrive et la rivalité se dissout lentement. Peu à peu elles deviendront amies et Raquel démontrera à elle même qu'elle est un être humain, capable de sortir de la sécheresse qui la caractérise pour s'intéresser finalement aux autres. Cet en apparence conte moral sur l'importance des amitiés est néanmoins construit avec des petits gestes qui tracent le gros trait, La nana a la vertu de ne pas être un film trop prétentieux ni de chercher quelque sorte de moralité que ce soit, en plus d'être joué par une excellente Catalina Saavedra. L'obscurité de sa thématique et la tension permanente que le scénario crée sont soulagés par le comportement délirant de Raquel. Ses plans ridicules de chasser les nouvelles bonnes, qui essaient de s'incorporer au foyer, octroient au film le côté léger qui adoucit l'argument angoissant. Avec des recours formels totalement classiques et avec une petite histoire, Silva obtient un film méticuleux, qui ne captive pas mais qui capte l'attention du spectateur. Le traditionnel de sa narration suffit pour faire un film amusant, qui repose entièrement sur les performances et l'exploration psychologique de la bonne introvertie. Soledad Pardo |
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